Rencontre avec Clémence

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Rencontre

Clémence, jeune mouvalloise, a créé une page Instagram consacrée à l’endométriose, maladie peu connue et très handicapante qui touche une femme sur 10 et dont elle-même est atteinte. Son but, faire connaître cette maladie et échanger des conseils avec d’autres malades pour mieux supporter la maladie au quotidien. Nous l’avons rencontrée.

C’est Mouvaux : Vous avez créé le compte Instagram @endoclem. Clem pour Clémence et endo pour endométriose. Que pouvez-vous nous en dire ?

Clémence : Il existe plusieurs comptes avec ce préfixe, à l’image d’endofrance.org. Ils ont tous pour but de faire connaître cette maladie. À mon niveau, il me permet de raconter ma vie, mes symptômes, comment je fais pour vivre avec et surtout d’encourager les autres femmes qui en souffrent aussi. J’ai aussi créé un groupe endométriose sur discord (plateforme d’échanges en visio) : nous sommes 150 qui échangeons en privé, entre nous qui sommes atteintes par cette maladie. Cela nous donne de la force pour la supporter. L’objectif n’est pas seulement d’en savoir plus sur cette affection mais d’aider les personnes qui ont été diagnostiquées.

C’est Mouvaux : Et que pouvez-vous nous dire de cette maladie ?

Clémence : C’est une maladie qui touche officiellement une femme sur 10 mais probablement beaucoup plus. Le problème de cette maladie, c’est le temps qu’il faut pour la diagnostiquer : 7 ans en moyenne. Pourquoi ? Parce qu’il est communément admis qu’il est normal de souffrir pendant ses règles. Et non, en fait ce n’est pas normal. Déjà, il faut 6 mois pour obtenir un rendez-vous chez le gynécologue, ce qui retarde le diagnostic. Et à cause des idées reçues « vos règles vous font souffrir ? C’est probablement dû au stress… C’est psychosomatique… C’est psychiatrique » – carrément ! – le problème traîne en longueur et la maladie est diagnostiquée après plusieurs mois voire années d’errance et des kilos de paracétamol avalés pour calmer les douleurs. Ce fut mon cas. J’ai cherché, cherché et je me suis diagnostiquée seule. J’ai eu confirmation par une IRM et j’ai enfin pu « poser des mots sur mes maux » mais j’ai dû énormément insister pour obtenir cet examen. En plus, parfois, les lésions n’apparaissent pas sur les clichés. Elles sont bien là mais sont invisibles.

C’est Mouvaux : Grâce à votre compte Instagram, vous êtes prescriptrice de conseils mais, vous-même, êtes-vous en demande ?

Clémence : Nous échangeons constamment entre nous car la maladie est différente pour chacune. Tout dépend où se positionnent les lésions. C’est un soutien psychologique que nous ne trouvons qu’entre nous car personne ne peut comprendre cette maladie si on n’en souffre pas soi-même. C’est d’ailleurs là le problème. Il n’y a qu’un spécialiste en France, le Docteur Petit, qui a appris à lire les IRM et peut confirmer le diagnostic là où les radiologues ne voient rien. Il n’y a pas de traitement ou de médicament, sauf la pilule contraceptive. Le but du compte Instagram est aussi et surtout de faire connaître cette maladie. On en parle que depuis quelques années. Or, plus il y aura de personnes qui la connaissent, filles, garçons, frères, sœurs, cousins, cousines, amis… plus vite l’identification des symptômes de la maladie se fera. On pourra alors peut-être éviter des années d’errance dans le diagnostic pour certaines. Mais nous avons un espoir en cette rentrée : le Président de la République et le Ministre de la Santé ont promis de se pencher sur ce problème et des contacts avec EndoFrance ont été pris.

C’est Mouvaux : Qu’est-ce qui pêche ? La recherche, la reconnaissance ?

Clémence : Les deux. C’est la première cause d’infertilité chez les femmes dans le monde. Tout cela à cause d’un manque d’information et de formation. Ce n’est que depuis 2020 que la maladie est évoquée dans les programmes d’enseignement de spécialisation de la gynécologie. Le fait aussi qu’il y a plus d’hommes que de femmes dans le corps médical, il y a moins de recherche sur ce phénomène. Il faudrait plus de spécialistes. Et c’est cette méconnaissance qui fait errer les malades si longtemps avant de poser le diagnostic.

C’est Mouvaux : C’est votre cas ?

Clémence :  oui, je suis dans la moyenne : j’ai attendu 7 ans avant de savoir pourquoi mes règles étaient si douloureuses, au point de pas pouvoir sortir de chez moi le temps qu’elles duraient, avant que l’on me diagnostique des kystes d’endométriose sur les ovaires. Les douleurs se sont atténuées grâce à la pilule contraceptive mais cela n’a duré qu’un temps. Je continuais à avoir mal quelque part, tous les jours et pas toujours au même endroit, avec une intensité de la douleur fluctuante. Et c’est ça le problème : on s’habitue à la douleur, on apprend à vivre avec et cela retarde d’autant le diagnostic. Mais j’ai eu une crise très aigüe l’année de mon bac : tous les symptômes sont arrivés d’un coup et d’une grande intensité, pendant au moins un an : maux de tête, de ventre, infection urinaire mais sans germe responsable, maux de jambe au point de ne plus réussir à marcher normalement, troubles digestifs, douleurs pendant les rapports et fatigue chronique malgré un sommeil normal. C’est ce qui m’a poussé à trouver des réponses, à aller au-delà de cette auto-persuasion « c’est pas si grave, il faut faire avec, je suis peut-être folle et je somatise… ».

C’est Mouvaux : C’était il n’y a pas si longtemps. Votre entourage vit cela comment ?

Clémence : Ces groupes d’échanges, c’est aussi pour mon entourage que je les ai créés car il est forcément affecté. Pour certaines malades, c’est l’entourage qui a posé le diagnostic, parce qu’il avait entendu parler de cette maladie et avait fait le rapprochement. Une sorte de prise de conscience pour autrui. Quand je fais une vidéo, je me dis que cela peut servir aux autres. Cela me permet aussi de rencontrer des personnes comme moi, cela m’aide à tenir. Parfois, cela va au-delà des échanges par écrans interposés. On décide de se rencontrer, on devient amies. Le soutien de l’entourage est primordial pour les personnes affectées par cette maladie.